Tous les documents écrits engagent l’image de l’expéditeur. En 2012 une lettre d’intention, un e.mail, un C.V. ou un compte rendu de réunion sans fautes révèlent des lacunes identifiées par les recruteurs. Mais déjà en 1867, Monsieur Caboussat est incapable d’écrire une lettre correctement, fâché avec l’orthographe et les terminaisons des verbes.

Eugène Labiche est un des vingt auteurs les plus joués en France. Le voyage de Monsieur Perrichon est une de ses pièces les plus célèbres, mais il en est une, parmi tant d’autres, qui a été son instant de gloire La grammaire qui, à travers Monsieur Caboussat, met en avant ces lacunes qui peuvent être identifiées chez tout chercheur d’emploi ou salarié.

Dramaturge et romancier français du XIXe siècle. Il est né le 6 mai 1815 à Paris, au sein d’une famille bourgeoise. Fils d’un riche entrepreneur, il passe une enfance tranquille. Inscrit au collège Bourbon (l’actuel lycée Condorcet à Paris), Eugène Labiche n’a aucune peine à décrocher son Baccalauréat littéraire en 1833.

L’année qui suit, il se rend en Italie avec Alphonse Jolly et plusieurs autres amis. Le groupe y passe plus de six mois. Ce séjour terminé, Eugène Labiche entre à l’université et obtient une licence de droit. Parallèlement à ses études, il assouvit sa passion de l’écriture en rédigeant des nouvelles. Il s’associe ensuite avec deux de ses camarades, Auguste Lefranc et le Marseillais Marc-Michel, pour donner naissance au collectif Paul Dandré, un surnom qu’ils utilisent pour signer leurs œuvres communes. Eugène Labiche et ses compères commencent par écrire et faire jouer des tragédies, mais ils s’aperçoivent rapidement que c’est la comédie qui recueille le plus d’enthousiasme. Ils s’orientent alors vers le vaudeville, la pochade et les opéras-comiques. L’auteur dramatique parisien est à l’origine de cent soixante-quatorze pièces comiques au total, la grande majorité ayant résulté d’une collaboration avec l’un ou ses deux autres camarades.

En 1837, Eugène Labiche dévoile son premier spectacle sous le titre La Cuvette d’eau. Ses débuts sont prometteurs, mais il se montre peu productif pendant les dix premières années de sa carrière.

Il fête son mariage avec Adèle Hubert le 25 avril 1842. Six années plus tard, il signe une création en solitaire, la première d’une courte série de quatre pièces, un vaudeville intitulé Un jeune homme pressé. Ce dernier raconte l’histoire d’un habile commerçant qui, en raison de son impatience, se trompe sur l’identité d’une femme dont il est tombé amoureux quelques heures auparavant. Sa hâte le conduit à demander la main d’une autre demoiselle qui s’avère être moins belle. Pour couronner le tout, cette dernière a été promise par son père à un autre prétendant. Un jeune homme pressé est donné le 4 mars 1848 au Théâtre du Palais-Royal, à Paris.

À partir de cette date, Eugène Labiche accélère sa production dramatique, créant seul ou en collaboration près d’une dizaine de pièces par an. Le 10 mai 1850, et toujours sur la scène du Palais-Royal, il fait représenter son deuxième spectacle personnel, Un garçon de chez Véry. Il s’agit d’une pièce comique ne comportant qu’un seul acte.

Eugène Labiche s’associe par la suite à Marc-Michel pour écrire la comédie en cinq actes Un chapeau de paille d’Italie, le récit rocambolesque d’un homme, Fadinard, qui s’apprête à se marier dans la journée et qui se retrouve à supporter la désagréable compagnie d’une femme mariée particulièrement envahissante. Celle-ci tient à s’assurer que le malheureux lui fournisse un chapeau de paille analogue à celui qu’elle possédait et que le cheval de Fadinard avait englouti. La première représentation de la pièce est donnée le 14 août 1851.

Deux années plus tard, Eugène Labiche acquiert le château de Launoy, une grande propriété de neuf cents hectares dans le Loir-et-Cher. Le 12 mars 1856, son épouse donne naissance à leur unique enfant.

Se consacrant désormais à sa vie de famille, ses voyages et ses terres, le dramaturge se montre moins prolifique au théâtre à partir des années 1860. Mais ses pièces continuent d’amuser un public de plus en plus nombreux, friand de la satire caricaturant la petite bourgeoisie vaniteuse qu’elles véhiculent. Le succès que connaît la comédie Le Voyage de Monsieur Perrichon, imaginée avec Edouard Martin, vient confirmer cela. Découverte le 10 septembre 1860 au théâtre du Gymnase à Paris, elle présente une lutte acharnée qui oppose deux candidats convoitant la même femme. Les deux aspirants rivalisent de flatteries, de lâcheté et de ruses pour s’attirer les faveurs du père de la jeune dame.

Eugène Labiche et Alfred Delacour présentent leur comédie vaudeville La Cagnotte le 22 février 1864 sur les planches du Théâtre du Palais-Royal. C’est à cette époque que l’auteur dramatique connaît ses plus grands instants de gloire. Des comédies telles que Le Point de mire, La Grammaire et Le Choix d’un gendre viennent asseoir sa notoriété.

Avec Edmond Gondinet, il écrit et fait jouer Le Plus Heureux des trois le 11 janvier 1870 au Palais-Royal. Dans cette comédie en trois actes, Marjavel, son ami et son oncle entretiennent des liaisons croisées avec des femmes qui ont eu ou ont encore des liens avec les trois hommes. Seulement, ces derniers ignorent tout du petit manège et chacun veut à tout prix cacher son secret aux deux autres.

Après les comédies Doit-on le dire ? et 29 degrés à l’ombre, Eugène Labiche signe un dernier spectacle, La Clé, dont le succès mitigé le pousse à mettre un terme à sa carrière d’auteur. L’année suivante, il publie son Théâtre complet constitué de dix volumes, confirmant sa décision d’abandonner l’écriture.

Le 28 février 1880, il est élu à l’Académie Française (fauteuil 15), et succède ainsi à Ustazade Silvestre de Sacy. Deux années plus tard, son fils unique se marie, mais l’épouse de ce dernier rend l’âme en 1885.

Le 22 janvier 1888, Eugène Labiche s’éteint chez lui, dans le neuvième arrondissement de Paris.

Résumé de la pièce La grammaire.

Deux amis de toujours, Caboussat, ancien négociant Arpajonnais et Poitrinas, président de l’académie d’Etampes et passionné d’archéologie. Le premier se verrait bien siéger au comice agricole, au conseil municipal, devenir maire, conseiller d’arrondissement, et puis hé-hé ! conseiller général. Mais il y a un hic, il est incapable d’écrire une lettre correctement, fâché qu’il est avec l’orthographe, les terminaisons des verbes et incapable de faire le tri entre les noms se terminant en « -ssion » et ceux qui finissent en simple « tion ». Heureusement Blanche sa fille rédige ses lettres et autres communications (ou ssions ?). Il est exclu qu’elle le quitte pour épouser quiconque résiderait ailleurs qu’à Arpajon. Poitrinas a un fils Edmond (dont Blanche est tombée amoureuse, ce qu’elle n’a pas osé avouer encore à son père) et s’il est venu rencontrer Caboussat, c’est pour négocier un contrat de mariage avec lui. Et puis il y a le vétérinaire Machut, père de famille déjà nombreuse, qui boit jusqu’à treize verres de vin à la santé de ceux dont il veut défendre la cause mais qui est amoureux de ses animaux. La preuve ? Il tente de soigner ou de réanimer les bêtes qui, après avoir brouté dans le jardin de Caboussat et les prairies avoisinantes, sont prêtes à succomber. La faute à qui ? À Jean, domestique de ce dernier qui cassant toutes sortes de vaisselle, ce qui contrarie bien sûr Mademoiselle Blanche, les y enfouit et que Poitrinas les exhumant systématiquement prend pour des vestiges romains. Vestiges ? à ce stade-là on en est à vertiges et même à tournis…

Après toutes sortes d’épisodes – burlesques forcément – Blanche sera unie à son Edmond qui, lui aussi a un défaut : il fait des fautes… d’orthographe, de grammaire, ou serait-ce les deux ? Qu’il n’a pas oser avouer, à qui déjà ?