Dans bien des cas les fautes d’orthographe sont dues à l’environnement de travail, générateur de rapidité et d’angoisse. « Suis-je capable de me relire et d’éviter les mêmes erreurs avant d’envoyer ces e.mails ou de diffuser mon compte-rendu de réunion ? ». En agissant sur le cadre de travail, les modes d’organisation ou les relations en interne, des entreprises misent sur le bien-être au travail. Salle de sport, massages et management à l’écoute… permettent d’abord de mieux résister au stress du quotidien.
Sans attendre la journée du bien-être au travail, le 13 novembre (1), certaines entreprises prennent des initiatives pour favoriser le mieux-être de leurs salariés. Au-delà de la philanthropie, ces attentions seraient-elles devenues nécessaires à la performance ? “Aujourd’hui, la culture de l’immédiateté s’est imposée, analyse Isabelle Marcé, DRH du cabinet de conseil Octo Technology. La réactivité très forte qu’on attend des collaborateurs est un facteur de stress important. Leur offrir du bien-être au travail est une façon de compenser le stress induit par la tendance du toujours connecté imposée aujourd’hui.”
Bien dans ses baskets = adaptable.
L’intérêt de l’entreprise peut-il ainsi faire du bien au salarié ? « Dans un contexte contraint, avec des changements rapides et des déséquilibres marqués, certaines sociétés ont compris que le bien-être était un facteur clé pour s’en sortir, analyse Valérie Moreau, directrice du cabinet Formatys. Un salarié bien dans ses baskets sera plus souple et plus apte à s’adapter à l’évolution de son environnement. ».
Sport et équilibre.
L’action la plus évidente : agir sur l’environnement matériel. Ainsi Manutan, généraliste en matériels industriels et consommables de bureaux, a-t-il installé une salle de sport dans son nouvel entrepôt de la région parisienne. « Ce n’est pas une petite salle, mais un vrai gymnase, avec des profs qui nous donnent des cours, nous expliquent comment muscler notre dos et bien porter les cartons, décrit Rachid Bensani, chargeur. Il y a aussi un restaurant où on peut manger équilibré. J’ai perdu 10 kilos en dix-huit mois. Je me sens mieux, plus fort, je dors mieux la nuit et cela m’a donné confiance en moi. ».
Travailler comme chez soi…
Autre univers, mais même souci du confort des salariés : la start-up Airbnb, qui propose via Internet des chambres à louer chez l’habitant, a aménagé ses locaux comme un appartement. Dans l’entrée, sont affichées les photos des collaborateurs, on trouve ensuite la salle de réunion-salle à manger, puis la chambre “d’enfants”, où les salariés peuvent s’isoler pour passer un coup de fil perso ou réfléchir au calme…
… en chaussettes.
Chacun est invité à déposer au bureau des objets qui lui sont chers. « Moi, j’ai apporté ma guitare, explique Clément Marcelet, responsable de la « communauté ». L’objectif : que les salariés s’approprient les lieux. Et quand je vois que certains circulent en chaussettes dans les locaux, je me dis que le pari est gagné », conclut-il.
Des attentions peu coûteuses…
« Chouchouter le personnel », c’est aussi la politique affichée de Sephora, la chaîne de parfums et cosmétiques. Quota de places en crèches réservées aux salariés du siège, service de conciergerie, places de parking pour les conseillères en magasin… et des « plus » ponctuels.
… mais appréciées.
Pour la Journée de la femme, les collaboratrices du siège ont bénéficié des services de masseuses et de maquilleuses venues des magasins, installées dans les salles de réunion. À l’occasion de la fête des mères, un photographe professionnel a réalisé des portraits de famille des collaborateurs, venus pour l’occasion avec leur tribu. « Ces petits événements ne requièrent pas un grand budget, mais sont très appréciés par les salariés » assure Marine Voron, directrice du développement des ressources humaines.
Tisser du lien
Chez le fabriquant de badges Big, le jour de son anniversaire est un jour de congé offert au collaborateur. « Chez Big, c’est cool, résume Erblina Shehu, responsable de la qualité et de la coordination. Pas le travail, dans l’événementiel, il y beaucoup de stress. Mais il y a une vraie solidarité entre les personnes : on s’entraide, on se respecte, on essaie de faire des choses ensemble à l’heure du déjeuner, on s’échange nos bons plans par e.mail. Quand je viens travailler le matin, je me dis que, même si la journée ne sera pas facile, il y aura des moments agréables et ça change tout. ».
Des réponses managériales.
Le bien-être ne se limite pas au confort matériel. « C’est d’abord une question de sens, souligne Valérie Moreau, de Formatys. C’est savoir pourquoi je vais travailler, quel sens je donne à mon travail. ». Pour les entreprises, les réponses sont donc avant tout managériales. Selon un sondage IFOP réalisé en mars 2012, les principaux facteurs concourant au bien-être sont, pour les salariés, l’écoute, le dialogue, la reconnaissance et le respect : des éléments qui dépendent en grande partie du management.
Lever les peurs.
« Pour favoriser le bien-être, il faut lever les peurs, analyse Marine Voron, de Sephora. Peur de ne pas savoir, peur de mal faire son travail. D’où l’importance que nous accordons à la formation, avec la Sephora University, et au management de proximité : objectifs et briefs clairs, feedbacks et conseils ».
Proximité du n+1…
Un management proche, et à l’écoute, voilà sans doute le cœur du sujet. Le cabinet de conseil Octo Technology pratique les O3 (One on one – tête-à-tête) : des rendez-vous de trente minutes hebdomadaires entre les consultants et leur manager. « Cet instant privilégié permet de créer du lien et offre un temps de recul par rapport à la mission en cours, explique la DRH, Isabelle Marcé. Le manager est réellement à l’écoute de son collaborateur. Le lien établi, l’O3 permet des feedbacks réguliers garants d’une relation durable. ».
… et du P-DG.
Même souci d’écoute chez Manutan. « Ici, les responsables sont ouverts, apprécie Rachid Bensani. Le PDG vient souvent au gymnase ou au restaurant d’entreprise et discute avec nous. On nous encourage à dire quand il y a des choses qui ne vont pas. Dans mes précédentes entreprises, il fallait faire son boulot et rester dans son coin. Le PDG, on ne le voyait jamais. Ça fait une vraie différence ! ».
Génération Y : des demandes spécifiques !
Être écouté, c’est bien. Mais ça ne suffit pas à la fameuse génération Y. « Chez nos jeunes consultants, l’un des facteurs de bien-être réside dans la possibilité de s’exprimer, d’être reconnu, mais aussi d’influencer le cours des choses dans l’entreprise », souligne Isabelle Marcé, d’Octo. L’entreprise y répond de multiples manières : culture du sondage pour des décisions internes, vendredis de la DG, qui réunissent les salariés et le DG, pour débattre de sujets les concernant (exemple : « comment aménager les locaux en fonction des besoins et préférences de chacun ? »), appel à contribution des consultants pour l’organisation d’événements ou pour alimenter le blog…
Ouvrir sur l’extérieur.
Favoriser le bien-être, c’est aussi lutter contre la routine. « Nous essayons au maximum de varier les équipes sur les projets », explique Clément Marcelet, chez Airbnb. La start-up propose aussi des master classes où des entrepreneurs viennent parler de leur parcours et répondent aux questions des salariés. Même démarche chez Sephora, qui propose, à l’heure du déjeuner, aux collaborateurs du siège des conférences gratuites sur des thèmes tels que : « qu’est-ce qu’un consommateur du Web 2.0 ? ». « C’est une ouverture sur le monde, une prise de distance par rapport au travail, une bulle d’air dans le quotidien », estime la DRH.
(1) Cette journée est relayée notamment par le journal Psychologie dans “l’Appel à plus de bienveillance au travail”. Un manifeste émanant de dirigeants, managers, salariés, coachs… de toutes origines, convaincus que l’entreprise n’est pas forcément terreau de souffrance.